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Intelligence Brute: Hua Jia

« Vous payez, ils travaillent pour vous »: comment les sociétés forestières payent chaque mois les fonctionnaires au Gabon pour qu’ils ferment les yeux sur leurs crimes forestiers

Série Intelligence Brute : Hua Jia

Vous devez payer pour vous sortir du pétrin, convaincre les fonctionnaires de vous faire des faveurs et maximiser vos bénéfices. L’industrie du bois au Gabon semble reposer sur la mise à profit d’un environnement de corruption généralisée. Dans ce quatrième volet de la série Intelligence Brute d’EIA, nous vous présentons la société Hua Jia, l’une des sociétés forestières les plus emblématiques du Gabon. Les responsables de Hua Jia avaient beaucoup à dire sur la façon dont eux-mêmes et d’autres compagnies opèrent.

Afin de poursuivre notre exposé des véritables maux qui touchent le secteur forestier et présenter de nouvelles preuves aux yeux du public, EIA a récemment lancé une série inédite de vidéos intitulée Intelligence Brute. Au travers de vidéos obtenues sous-couverts, minimalement éditées, capturant les propres paroles des dirigeants de sociétés forestières, EIA démontre que les crimes forestiers décrits dans le rapport Commerce Toxique sont omniprésents, structurels et indisputables.

Hua Jia, une filiale de la société publique China International Forestry Group Corporation, est l'une des sociétés de bois les plus en vue du Gabon, ayant la gestion de plus de 350 000 hectares de terres forestières. Les trois quarts de la société appartiennent au Groupe Yihua, un conglomérat privé chinois ayant des investissements dans le secteur de l’immobilier, la santé et le tourisme. Depuis sept années consécutives, le groupe fait partie des « 500 entreprises privées les plus remarquables en Chine ».

En 2016, Hua Jia s'est engagée à respecter les exigences du « Guide pour la gestion et l'utilisation durables des forêts d'outre-mer par les entreprises chinoises », publiées par l'administration forestière chinoise, et destinées à prévenir l'exploitation forestière illégale, comme présenté en page 60 du rapport Commerce Toxique. Les enquêteurs d'EIA ont découvert que l'entreprise est loin d'être exemplaire. Notre vidéo sous couvert montre un responsable de Hua Jia décrivant les directives comme n'ayant aucune conséquences pour leurs pratiques. Comme il l'a expliqué: « Ces réglementations nationales [chinoises] ne s'appliquent pas à nous. Ici c'est l'Afrique. Nous ne suivons que ce qui est requis localement ».

Une enquête récemment publiée par l’Organisation Non Gouvernementale gabonaise Brainforest a révélé que la société avait illégalement exploité la forêt sur des terres agricoles sans autorisation, notamment en l’absence de contrats légitimes avec les exploitants familiaux. De plus, Hua Jia n’avais mis en place aucun suivi du bois récolté, en violation directe des lois gabonaises relatives à la traçabilité du bois. Dans sa discussion avec les enquêteurs d’EIA, le gérant de Hua Jia a expliqué que la sous-location de concessions forestières auprès de sociétés bien établies est une pratique très courante chez les nouveaux investisseurs, même si la sous-location est illégale au Gabon.

Dans la vidéo Intelligence Brute, le responsable de Hua Jia affirme par ailleurs que gérer une entreprise forestière au Gabon repose sur la corruption des fonctionnaires. Il note en particulier que les divers pots de vins destinés aux autorités gabonaises représentent une importante dépense mensuelle. Selon le responsable de Hua Jia, sa société verse chaque mois un montant équivalent à 29 000 USD en pots-de-vin. Il explique que ces pots-de-vin sont « destinés à payer les fonctionnaires de différentes administrations », tels que « les services des Eaux et Forêts, les bureaux de l'environnement, les administrations municipales et les services de santé publique ». Il décrit un système de paiement à la demande pour continuer à opérer impunément dans le pays : « Vous payez, ils travaillent pour vous. Vous payez 10 000 RMB, ils vous aident avec des problèmes d’une valeur de 10 000 RMB. » Le soudoiement routinier des fonctionnaires compromet la capacité du gouvernement à lutter contre les illégalités dans le secteur. Lorsque les enquêteurs sous couverts d’EIA ont demandé au responsable de Hua Jia s’il pourrait éviter ces paiements, il a répondu: « Il n'y a aucun moyen de sortir de cette situation », ajoutant que les autres sociétés se trouvaient très probablement dans la même situation.

La corruption en place dans le secteur forestier gabonais permet à Hua Jia d’agir à sa guise, c’est-à-dire en ignorant ou manipulant les lois, dans le but de réaliser des profits rapides et substantiels. Le responsable a déclaré avoir un taux de profit « supérieur à 30% » et selon lui de tels bénéfices place sa société tout au plus dans la moyenne des compagnies qui opèrent dans le pays. En comparaison, certaines des sociétés les plus performantes au monde, telles qu'Amazon, présentent des marges bénéficiaires inférieures à 5%.

Pendant des années, le paiement récurrent de pots-de-vin a été une réalité inévitable du secteur forestier au Gabon ; les professionnels du secteur n’ont eu aucune gène à l’expliquer aux enquêteurs d’EIA. En 2019, le président gabonais a déclaré vouloir redistribuer les cartes de la gouvernance avec un nouveau gouvernement « exemplaire, honnête et éthique ». Le moment est décisif pour enquêter et punir les individus impliquées de longue date dans la « mafia du bois » au Gabon. S'il y a véritablement un espoir de créer une industrie du bois légale et durable au Gabon, une industrie qui respecte les forêts et le peuple gabonais, l'heure est à la prise de responsabilité.

Découvrez chacun des épisodes de la série:
Intelligence Brute: Groupe Dejia
Intelligence Brute: WCTS
Intelligence Brute: TBNI
Intelligence Brute: Hua Jia
Intelligence Brute: ACOG

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