Intelligence Brute: ACOG
CACHÉ EN PLEINE VUE: COMMENT L’ASSOCIATION DES CHINOIS D’OUTRE-MER AU GABON SERT DE COUVERTURE AUX CRIMES FORESTIERS
Série Intelligence Brute - n ° 5 Association des Chinois d'Outre-Mer au Gabon
Certains criminels et leurs acolytes se cachent derrière l’anonymat et le secret. D’autres, comme M. Pierre Lu, ont choisi de se cacher en pleine vue, comme le montre la dernière vidéo de la série Intelligence Brute d’EIA consacrée à l’état actuel de l’exploitation forestière au Gabon. M. Lu est le secrétaire de l'Association des Chinois d'outre-mer au Gabon et une des figures de proue de l'Union forestière des industries asiatiques du Gabon (UFIAG). Il ne manque pas une occasion de défendre publiquement les sociétés forestières asiatiques et d’affirmer que ces entrepreneurs agissent avec les meilleures intentions du monde. Pourtant, à huis clos, lors d’une série de réunions avec les enquêteurs sous couvert d’EIA, Pierre Lu décrit ouvertement les pratiques illégales que ces entreprises utilisent pour réaliser de gros profits.
Afin de présenter de nouvelles preuves aux yeux du public, EIA a récemment lancé une série inédite de vidéos intitulée Intelligence Brute. Au travers de vidéos obtenues sous-couverts, minimalement éditées, capturant les propres paroles des dirigeants de sociétés forestières, EIA démontre que les crimes forestiers décrits dans le rapport Commerce Toxique sont omniprésents, structurels et indisputables.
Lorsque 450 conteneurs de bois précieux gabonais disparaissent en 2019 dans le scandale du « Kevazingogate », l’UFIAG prend rapidement les devants et fait une déclaration publique dénonçant notamment les affirmations négatives généralisées concernant les entrepreneurs asiatiques de l’industrie du bois. L’UFIAG insiste sur le fait que quelques mauvais éléments identifiés lors de l’enquête sur cet énorme vol bois ne reflètent aucunement les actions de la majorité des entrepreneurs asiatiques opérant au Gabon. M. Pierre Lu semble être à l'avant-garde de cette initiative, comme l'indique la photo publiée par l'UFIAG.
Article consacré à la lettre publiée par les membres de l’UFIAG, montrant M. Pierre Lu
Source: L’union, Mardi 19 mars 2019, p.5
En 2016, M. Lu avait activement participé à l'engagement volontaire pris par douze entreprises forestières chinoises en faveur de la gestion forestière responsable dans le cadre de la « Déclaration de gestion durable des forêts ». Cependant, quelques jours avant l'annonce, les enquêteurs sous couvert d’EIA avaient rencontré huit des cadres ayant participé à l’initiative, y compris M. Lu, qui a expliqué aux enquêteurs que cette annonce n’était qu’un « slogan » sans conséquence aucune en pratique.
La photo officielle de l’engagement pris par 12 sociétés chinoises, montrant M. Pierre Lu au centre des festivités
Source: Gabon Economie, 24 juin 2016.
Pierre Lu a déclaré aux enquêteurs d’EIA que selon son expérience, la vaste majorité des entreprises forestières au Gabon enfreignent la loi d'une manière ou d'une autre.
M. Lu a expliqué qu'il sait exactement la manière dont les entreprises chinoises au Gabon échappent à l'impôt. Par exemple, selon M. Lu, une entreprise relativement petite telle que Wan Chuan Timber Sarl (WCTS, voir EIA Intelligence Brute # 2) escroque facilement les autorités gabonaises pour un montant supérieur à 1,6 million de dollars US chaque année au moyen de taxes impayées. Les entreprises gonflent artificiellement les coûts de production et réduisent en apparence la valeur de leurs ventes en tenant deux livres de comptes: un livre officiel pour les autorités, avec les coûts gonflés et les valeurs de vente réduites, et un livre non officiel qui garde la trace des flux financiers réels.
Comme l'a expliqué M. Lu aux enquêteurs sous couvert d’EIA: « Lorsqu'il s'agit de payer des impôts, elles [les sociétés forestières] font que leurs comptes présentent des pertes, donc ils ne paient que 1% de taxe sur les ventes, l'impôt sur le revenu est gratuit, puisque la rentabilité est si faible. […] Une autre façon d'éviter de payer des impôts est de passer par une société offshore. Vous laissez tous vos bénéfices à votre société offshore, il n'y a aucun profit dans votre société locale ici, vous ne payez donc aucune taxe. » Selon Pierre Lu, les sociétés forestières évitent également les impôts en créant plusieurs petites entreprises partenaires locales, afin de pouvoir répartir entre plusieurs entités la quantité de bois exportée déclarée.
M. Lu a déclaré aux enquêteurs d’EIA que la corruption régnait dans tous les services de la fonction publique gabonaise. Les fonctionnaires à tous les niveaux demandant des pots-de-vin aux entreprises forestières, les entreprises forestières, ne voulant pas être exposées ni pénalisées pour les illégalités commises, choisissent inévitablement de payer. Par exemple, Pierre Lu a affirmé connaître personnellement cinq ou six ministres impliqués dans des affaires de corruption. Il a ajouté qu'il joue un rôle particulier en aidant certaines entreprises chinoises à résoudre leurs problèmes avec l’administration, via les pots-de-vin offerts. Parce qu'il les connait tous et parle français, il est généralement impliqué dans les « négociations » avec les plus hauts responsables.
Malgré les changements intervenus au sein du gouvernement gabonais à la suite du Kevazingogate et la publication du rapport d’EIA intitulé Commerce Toxique, M. Pierre Lu continue de jouer son rôle public. L'omniprésence des crimes commis et décrits dans la série Intelligence Brute indique que le Gabon est confronté à d'importants défis pour assainir son secteur forestier et prendre des mesures pour sanctionner les malfaiteurs tels que M. Lu et ses acolytes.
Sur une note positive, le Gabon a récemment entrepris des réformes encourageantes dans le secteur forestier. Un nouvel accord de coopération basé sur les résultats atteints a été signé entre l’Initiative pour la forêt de l’Afrique centrale (CAFI) et le Gabon en septembre 2019, qui permettrait le versement de 150 millions de dollars US sur une période de 10 ans pour la protection de la forêt tropicale gabonaise dans la lutte contre le changement climatique. Un traité de coopération entre le Gabon et la Chine aurait aussi été signé afin de soutenir la gouvernance forestière et les zones protégées.
EIA a proposé une initiative au Gabon pour soutenir ce qui constituerait un niveau de transparence sans précédent. En septembre 2019, Alexander von Bismarck, directeur exécutif d'EIA-US, s'est rendu au Gabon pour discuter de l'importance de la transparence et de la traçabilité dans le secteur du bois avec des représentants ministériels. EIA prévoit de travailler avec les membres de la société civile et le gouvernement pour encourager une réelle transparence et responsabilité au sein de la filière bois et lutter contre la corruption. Les forêts du Gabon peuvent et doivent être protégées et gérées pour le bien-être de sa population.
Découvrez chacun des épisodes de la série:
Intelligence Brute: Groupe Dejia
Intelligence Brute: WCTS
Intelligence Brute: TBNI
Intelligence Brute: Hua Jia
Intelligence Brute: ACOG